L'homme ne peut en aucun cas connaître le genre de solitude que connaît une femme. L'homme n'est dans le ventre d'une femme que pour y prendre des forces, il se nourrit de cette fusion, puis il se dresse et il affronte le monde, son travail, le combat, l'art. Il n'est pas seul. Il est occupé. Le souvenir du bain dans le liquide amniotique l'achève et lui donne de l'énergie. La femme elle aussi peut être occupée, mais elle se sent vide. La sensualité n'est pas seulement pour elle une vague de plaisir où elle a baigné, une charge de joie électrique au contact d'un autre. Quand l'homme est dans son ventre, elle est comblée, chaque acte d'amour est pour elle une possession intérieure, un acte de naissance et de renaissance, elle porte un enfant et elle porte un homme. L'homme vient dans le ventre et renaît à nouveau chaque fois avec le désir d'agir, d'ETRE. Mais pour la femme l'aboutissement n'est pas dans la naissance, mais dans l'instant où l'homme est en elle.
Anaïs N., Journal 1931-1934